L'hypothèse du pire à Fukushima Daiichi
Source : lepoint.fr
Accident nucléaire niveau 7 (sur 7)
Par MARC VIGNAUD
"Il est possible que la cuve contenant les barres de combustible dans le réacteur n° 3 soit endommagée." L'information, lâchée vendredi à l'AFP par un responsable de Tepco, l'opérateur de la centrale japonaise, a de quoi inquiéter sur la situation à la centrale de Fukushima-Daiichi, dont les systèmes de refroidissement ne fonctionnent plus depuis le tsunami qui a ravagé le nord-est du Japon le 11 mars. La rupture de la cuve du réacteur n° 3 pourrait en effet déclencher une réaction en chaîne catastrophique. "On n'avait pas eu de mauvaises nouvelles depuis plusieurs jours, aujourd'hui, on en a une", lâche Jean-Jacques Dumont, commissaire de l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN), pressé de réagir par la presse.
Pour l'heure, l'autorité du nucléaire refuse toutefois de commenter une information toujours non confirmée. Mais ce scénario est jugé suffisamment crédible par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN) pour que ses experts aient déjà entrepris d'en évaluer l'impact en termes de rejets radioactifs. Les résultats de ces simulations devraient être publiés lundi. Plongée au coeur du pire des scénarios.
Les efforts de Tepco pour refroidir les coeurs des réacteurs n° 1, 2 et 3 grâce à de l'eau de mer n'ont pas été suffisants pour empêcher leur fusion, au moins partielle. "Les barres de combustible (en rouge sur le schéma), cassent et font fondre les gaines, ce qui crée un mélange en fusion, le corium, à 2 000 °" de température, décrit Thierry Charles, directeur de la sûreté des installations. Dans cette hypothèse, le magma se dépose dans le fond de la cuve en acier et la fait fondre. Le corium s'écoule alors sur l'enceinte de confinement en béton et produit des gaz explosifs (hydrogène, oxyde de carbone) à son contact. La vapeur d'eau qui remplit l'enceinte est censée empêcher toute déflagration au contact de l'air.
Dans le cas du réacteur n° 3 notamment, l'enceinte de confinement en béton, précédemment endommagée, est "fuyarde". L'hypothèse d'une "fuite de gaz vers des locaux annexes" et d'une explosion au contact de l'air n'est donc pas à exclure. De quoi endommager encore un peu plus l'enceinte de confinement qui n'est "déjà plus étanche". Les rejets radioactifs "continus" depuis quelques jours augmenteraient alors dans une proportion inconnue - en fonction, en fait, de la gravité de la déflagration et de la résistance de l'enceinte de confinement. Dans le pire des cas, la piscine de stockage du combustible usagé pourrait être atteinte, et son contenu se répandre à l'extérieur.
Cette hypothèse pourrait aussi se produire dans le cas d'une nouvelle secousse suffisamment forte pour ébranler les réacteurs déjà durement éprouvés par le séisme, puis par le tsunami. Cela entraînerait "un jeu de dominos dramatique sur les trois réacteurs", juge Thierry Charles, qui souligne toutefois que "le pire n'est pas certain".
Pour l'heure, l'IRSN s'intéresse au sort du coeur en fusion une fois la cuve percée. Toute la question est de savoir s'il peut traverser l'enceinte de béton, épaisse de plusieurs mètres, et se retrouver à l'air libre. Le lessivage par les eaux risque alors de déverser des quantités énormes de radioéléments vers la mer. Même si le corium refroidit avant d'avoir touché le sol, il devrait disperser de la radioactivité mal isolée par l'enceinte de confinement. Au final, ces radioéléments pourraient augmenter de 30, 50 ou même 70 % par rapport au niveau actuel, estime l'IRSN. De là à parler d'un nouveau Tchernobyl, il y a une marge que Thierry Charles refuse de franchir. "Ça n'a rien à voir", estime-t-il, rappelant que le réacteur de la centrale ukrainienne "a brûlé pendant dix jours à pleine puissance", alors que les réacteurs n° 1, 2 et 3 se sont correctement arrêtés à Fukushima.
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