Vous n’êtes pas morts pour rien, mais pour quoi ?
Article source provenant d'Agoravox, écrit par Bluerider
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Le mardi 19 juillet 2011 dans la cour des invalides à 11H00, notre Président a tenu à saluer la mémoire de 7 de nos soldats morts en Afghanistan. Depuis le matin du 14 novembre 2011 en vallée de Kapisa, la France compte désormais un 76ème soldat mort « en opération extérieure ». Le mercredi 11 novembre 2011 à 11H00 devant le nouveau musée de la Grande Guerre à Meaux (dont le conseiller et donateur Jean Pierre Verney a su trouver des mots poignants et justes devant les caméras, pour expliquer son travail de collecte et ce que vécurent ces hommes), notre Président a annoncé sa volonté de faire de la date du 11 novembre un fourre-tout commémoratifde tous nos morts pour la France. Mais de quels morts parlait-il vraiment ? Je me propose ici de rebondir sur le débat entamé par Gabale, contributeur d’Agoravox sur ce thème sensible.
Nicolas Sarkozy à Kaboul le 12 juillet 2011
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Extrait du discours de M. Nicolas Sarkozy prononcé le 29 juillet 2011 dans la cour des Invalides, au nom de la nation française :
(…) Vous n'êtes pas morts pour rien. Car vous vous êtes sacrifiés pour une grande cause. Vous avez défendu les plus belles valeurs de notre pays. Vous avez combattu dans une guerre juste engagée contre une tyrannie qui emprisonnait tout un peuple, qui opprimait les femmes, qui maintenait les enfants dans l'ignorance et qui avait transformé tout un pays en base arrière du terrorisme et de l'obscurantisme. (…)
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Extrait du discours de M. Nicolas Sarkozy prononcé le 11 novembre 2011 au musée de la Grande Guerre de Meaux, au nom de la nation française :
(…) J'ai donc décidé, vous le savez, que le 11 novembre soit désormais l'occasion pour la Nation de rendre hommage aux morts de tous nos conflits, ceux du XXème siècle aussi bien que ceux des combats présents. Il nous faut nous souvenir de l'ensemble des batailles menées par notre pays, sur tous les théâtres d'opérations, au nom de la République, du Droit et des valeurs universelles de l'Humanité. (…)
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Un constat : tous nos morts ne reposent pas en paix
Qu’en est-il des guerres récentes, sans enjeu frontalier, dont il faut effetivement aussi honorer les morts comme les autres, et dont notre Président semble se soucier en priorité, eût égard aux circonstances de son annonce (opinion publique défavorable aux engagements afghan et libyen, pertes récurrentes sur le terrain, enjeu électoral « à droite de la droite », questionnement de la classe politique et intellectuelle…) ?
Qu’en est-il des raisons toujours obscures et « classées secret défense », qui conduisirent notre pays le 9 octobre 2001, à se faire complice de l’US ARMY lorsque nous avons rejoint la mission de l’ISAF qui partait protéger les civils en Afghanistan ? Depuis plus de 10 ans à force d’aider les afghans, l’US ARMY et l’ISAF ont causé (ne serait-ce que par leur simple présence) le massacre de 50 000 d’entre eux ! De quoi méticuleusement transformer le fragile tissu social et tribal afghan en un chaos généralisé propice à l’explosion des extrémismes, au repli des paysans ruinés sur la culture plus ou moins consentie du pavot, et à la corruption généralisée. Le monde politique local a été inondé de dollars de papier, et il est illégitime suite à des fraudes électorales récurrentes. Du pur jus colonial destiné à sécuriser un couloir pétrolier et des mines, relancer le pavot pour les faux frais de la CIA, installer des bases et contrôler les états voisins. Mais les femmes, elles, restent voilées et cloitrées, n’en déplaise à notre Président menteur récidiviste (Avril 2007 : « pas de raisons de rester en Afghanistan », oserai-je le rappeler ici ?)
Qu’en est-il aussi, du soutien vénal accordé à Alassane Ouattara par notre gouvernement (via la force d’interposition Licorne déployée à Abidjan), qui fait la sourde oreille face par exemple au massacre de Duékoué, et qui ne tient pas compte des fraudes électorales massives dans les régions du nord qui firent plus que compenser celles sans nul doute opérées aussi par l’ex-Président Gbagbo au sud ?
Qu’en est-il surtout, de l’absurdité des raisons invoquées par un Juppé sautillant vers le perchoir de l’ONU, pour aller « aider » à liquider entre 30 000 libyens selon le CNT, et 200 000 libyens si on extrapole à partir des 19 000 sorties des forces aériennes de l’OTAN ?… Sans oublier l’appui terrestre avéré de l’OTAN, du Qatar et des émirats (hauts lieux de la répression sauvage du printemps arabe exercée par l’armée saoudienne entrainée par les américains) à la poignée de pseudos rebelles de la première heure, et ceci depuis février 2011 si ce n’est plus tôt. Plonger un autre pays souverain dans le chaos, en exhiber son chef torturé en présence de soldats français (les amazones de sa garde rapprochée ont été violées, torturées et exécutées aussi, le saviez-vous ?), et s’y ruer pour signer des contrats et siphonner à bon compte son pétrole mérite plus que de la réflexion…
…. mais j’oubliais ici que la France n’a enregistré AUCUNE perte, donc cet événement restera masqué aux yeux de notre mémoire collective nationale dans le nouveau dispositif de nivellement mémoriel. Si nous interrogeons les situations géopolitiques évoquées à l’instant, nous ne pouvons que constater que tous nos morts sont loin de reposer en paix, ni ne sont logés à la même enseigne de la nation…
Un débat d’actualité : la conscription
Car quel rapport moral ou idéologique existe-t-il entre les morts de nos 2 guerres mondiales, enrôlés patriotiquement sous le régime égalitaire de la conscription pour défendre notre intégrité territoriale, et les guerres lointaines récentes (Kosovo, Afghanistan, Côte d’Ivoire, Libye) fruit de folles équipées gouvernementales aux motifs cupides qui ne trompent personne, et exécutées par une armée de citoyens « librement » consentants car « de métier » ? Absolument aucun. La preuve de cet éloignement réside dans cet « entre 2 guerres » des terribles guerres de décolonisation pour lequel le traumatisme des conscrits et de leurs familles est encore à vif,
Car ces guerres se firent encore sous le régime de la conscription, concernaient encore des concitoyens français, et avaient encore pour enjeu la « propriété territoriale » de nos ex-colonies. Elles entrainèrent de vrais déchirements, un questionnement fratricide,.et divisèrent la nation Il y eut des coups fourrés de tous bords (attentats, autant d’origine gouvernementale qu’indépendantiste, vengeances, tortures, enlèvements des 2 côtés), toujours à la mesure de l’enjeu. Le peuple était mobilisé autour de la mobilisation de ses fils.
Aujourd’hui, à observer nos politiciens, nos intérêts vitaux selon eux se confondent avec la prédation de la planète, le "buziness as usual" a remplacé le patriotisme. Et ce sont les spin doctors de Washington qui une fois de plus ont trouvé de nouveaux moyens de mentir pour préserver l’essentiel à leurs yeux : l’accès aux énergies et aux matières premières par la force. A l’arrêt de la conscription remplacée par le volontariat, ils ajoutèrent la guerre mondialisée au terrorisme, forgée aux couleurs d'une nouvelle croisade : celle du credo techno-progressiste et ultra-libéral contre un nouvel obscurantisme musulman. Nous commençons enfin à comprendre, que notre territoire et nos citoyens ne sont pas en danger, là où la très hypothétique menace terroriste (le terrorisme tue moins que l’alcool, la drogue, la voiture ou même… les morsures de chiens ou de serpents ! ) a été gonflée de bric et de broc à partir du douteux storytelling US de 2001. Cette saga mystérieuse dont les preuves restent « classées secret défense », est une cause lointaine qui sent le mensonge pour l’Afghanistan comme pour l’Iraq. Les guerres qui ont suivi auraient bien sûr dû rester secrètes, or elles sont devenues un méga conflit ouvert qui a décimé sans doute plus d’un million de civils au Moyen Orient dont le sang ne déborde jamais sur nos écrans. Pourquoi ? La libye n’en est que le dernier avatar. C’est un 11 septembre français, un dispositif de captation de ressources bâti sur du vent, sur des prétextes de cirque, ceux de vagues insinuations colportées par des saltimbanques pseudo-humanitaires, du milliardaire courtisan BHL au courtisan onusien Sliman Bouchuiguir.
J’affirme que pour compenser cette faiblesse congénitale de ce dernier scénario et quand même parvenir à leurs fins prédatrices, nos hommes politiques français ont pu se servir opportunément, ou se sont appuyés sur l’instauration en 1997 du volontariat : Ce n’était peut-être pas dans les volontés fondatrices du législateur, mais ce changement radical de cap idéologique et cet enfouissement moral ont définitivement ôté tout scrupule à notre pouvoir politique en matière d’engagement armé. Même si le débat fut approfondi dans nos assemblées et dans les mairies en 1996-1997 (gouvernement Juppé-Fillon, puis gouvernement Jospin-Richard), l’absence de recul et les dérives constatées au sein de l’OTAN depuis cette « professionnalisation » de l’acte de tuer (en particulier dans les cas du Kosovo et de la Libye) me conduisent à en remettre radicalement les bonnes raisons initiales en question.
Nous avions pourtant deux exemples : les USA sont passés au volontariat en 1973 (date symbole de la crise pétrolière) à l’issue de la guerre du Viet Nam. Or c’est bien depuis cette date, que le mouvement antiguerre aux Usa est anesthésié, tandis que les conflits de basse intensité se sont multipliés. D'autre part l’exception de la manifestation massive de 2003 contre la seconde guerre d’Irak à Londres, n'a pas empêché Tony Blair d'envoyer la troupe, dans un pays qui a aboli la conscription dès 1960. Revoir aussi « Fahrenheit 911 » où Michael Moore intercepte des parlementaires devant le Capitole pour leur demander d’envoyer leurs fils en Iraq ! Revoir également la cinglante comédie britannique « In The Loop » où seules comptent l’anesthésie de l’opinion publique, et le rejet des responsabilités, quant aux conditions réelles de déclenchement de la guerre en Iraq de 2003. Résultat : 650 000 morts selon diverses ONG, sans parler des blessés, invalides, exilés, réfugiés, irradiés, et orphelins. Que sommes-nous donc devenus ? Des professionnels, des monstres professionnels.
Je plaide ainsi pour que le peuple, nos médias et notre gouvernement prennent conscience à nouveau des vrais enjeux de ce qui s’appellera toujours pour moi « une déclaration de guerre », même maquillée en résolution 1973, et cessent de pratiquer (désormais avec la complicité de l’ONU, un comble) entre autre l’excuse humanitaire, la fabrication du terrorisme, la diabolisation, la morale de façade, la négation des sondages (maintien de troupes en Afghanistan, engagement en Libye) et l’asservissement/consentement des médias pour masquer ce qui au final ne constitue que d’immondes massacres perpétrés sans même déclarer une guerre ni envoyer des conscrits au front.
Que nos médias redressent le sens des mots, que nos élus redonnent du sens à l’engagement de leurs administrés pour leur pays, in fine que la société civile rétablisse un dialogue ouvert entre le peuple et son gouvernement, dialogue inexistant ou anesthésié qui rappelle pourtant les vœux pieux de Jacques Chirac, pourfendeur de la « fracture sociale » à haute valeur électorale ajoutée , mais sans suites. Parce que leurs propres fils ne sont plus concernés, nos gouvernements peuvent envoyer nos armées tuer sans crainte de révolte populaire comme au temps du Viet Nam-Indochine ou de l’Algerie , leurs électeurs étant par définition consentants.
Ce malaise est d’ailleurs bien visible… dans la propagande de la machine hollywoodienne qui tente de relayer depuis les 2 guerres mondiales, et qui a repris de plus belle dans les années 80 (Thatcher-Reagan l’acteur), une recette miracle : des scénarios validés par l’administration US, un pseudo patriotisme repeint aux couleurs de l’héroïsme technologique et de la diabolisation facile pour mieux en dissimuler la vacuité morale et la duperie idéologique sur fond de divertissement effréné ( le cinéma français n’ose tout de même pas exploiter ce filon, une chance d’ainsi échapper un peu à la honte universelle et de s’en tenir à 60% de part de marché propagandiste américaine sur nos écrans).
Toutes ces pratiques sont bien sûr relayées dans les médias, avec des fortunes diverses d’ailleurs. Par exemple, malgré tous ces efforts de cirque Barnum, nos ventes de Rafale ne décollent pas, alors que les USA ont annoncé récemment une 8ème année de retard pour la mise en service laborieuse, coûteuse et toujours incertaine de leur F35 JSF pourtant co-financé par l’Europe via les achats de pré-serie de nos voisins immédiats…
Effacer notre mémoire collective
L’autre volet de cette tendance présidentielle à vouloir tout niveler ( rattachement de la gendarmerie au Ministère de l’Intérieur, requalification de l’accès aux archives nationales etc…), tout récupérer (suppression des juges d’instruction, nomination du patron de France Télévision, recours aux courtisans tels BHL), tout privatiser (même la guerre) tout contrôler (HADOPI, LOPPSI, EDVIGE etc… et je vous laisse ajouter en commentaires ce qui sans doute m’échappe ici ) aboutit bien à l’effacement de notre mémoire collective, noyautée par des amalgames questionnables et des simplifications moralement douteuses. Au final, nos nouveaux faiseurs de vérité livrent ainsi les citoyens français en pâture à la « mondialisation » indifférenciée. Le traitement « corrosif » réservé à l’enseignement de l’Histoire dans le secondaire par M. Luc Chatel, après l’épisode grand guignolesque de la lecture obligatoire de la lettre de Guy Moquet, semble d’ailleurs procéder du même objectif, ainsi que les lois mémorielles qui, aussi justifiées soient-elles face aux dérives absurdes que tout le monde a constaté, contribuent aussi à détruire notre mémoire collective pour ne garder que des symboles publicitaires, fussent-ils d’un authentique génocide. Lois mémorielles appelées à des extensions douteuses qui pourraient viser nombre de questions ouvertes de notre propre Histoire.
Ces amalgames, ces simplifications, cette « réorganisation de l’oubli » entérinent un glissement de sens selon moi condamnable. Notre Président s’apprête à « tuer » une seconde fois nos morts devant le mur d’une « bien-pensance » grotesque. Car la soupe de raisons étrangères les unes aux autres qu’il mélange ainsi n’a à mon sens pour but que de justifier in fine « nos » pseudos guerres récentes (mais la Libye est surtout « la sienne », non ?) par une morale de façade qui phagocyte celle de nos ancêtres, retaillée sur mesure pour les morts de son quinquennat (et du précédent). Pour beaucoup d’entre nous, ces morts au combat, pardon, « en opérations extérieures », n’ont pas besoin de l’aura de leurs ancêtres morts à Verdun ou Omaha Beach pour exister dans nos cœurs, tandis que lui a besoin d’eux pour redorer son blason au travers de celui d’une institution, leur armée, qui a été trahie par la duplicité de notre exécutif. Attitude abjecte selon moi, chaque victime, sa famille et ses proches parmi nos soldats ayant droit à une vraie réflexion sur les raisons exactes et réelles de sa mort, qu’une date en lien avec le conflit causal aura toujours le mérite de susciter.
D’autant qu’une référence chronologique aurait le mérite (je me fais l’avocat de la défense, c’est le cas de le dire) de maintenir le statu-quo, entre la raison d’Etat (qui s'effrite de partout) et les raisons réelles (pourtant grossières). Réduire l'histoire de France à un paquet cadeau unique pour les fêtes, voilà qui est publicitaire, propre, pratique, efficace, moins cher, et conforme à la pratique américaine... notre quinqua présidentiel m'apparait en cet instant en apôtre admiratif de JJSS et son "Défi Américain" (1967, N. Sarkosy avait 12 ans), mais qui aurait oublié Mauriac en route, et 50 années d'histoire du monde. Cet amalgame commémoratif fait de lui avant tout un récupérateur -les français ne sont pas dupes- un auteur porteur d'autres vérités cachées, un faiseur de mensonges pris à son propre piège en flagrant délit de propagande atlantiste (une fois de plus), et pour tout dire de négationnisme (celui du droit de chaque citoyen français à la vérité).
D’ailleurs, si vous discutez avec des soldats de retour d’Afghanistan, tous vous le disent naïvement : Sortis du discours officiel qui ne tient pas une seconde devant les faits, ils ne savent pas ce qu’ils sont allés faire là-bas, à part occuper un emploi stable nourris logés, et glaner une prime de 13 000€ pour 6 mois d’opérations extérieures à « bouffer des cailloux », quitte à repartir, par exemple pour la KAFOR, qui au Kosovo est assise depuis 12 ans sur une poudrière minée par la corruption et les trafics en tous genres, dois-je le rappeler ici ? Et les traumatismes parmi eux sont légion, lorsque l’aveuglement se fissure, d’autant que la reconnaissance de leur devoir parmi leurs concitoyens n’est pas au rendez-vous, ce qui est logique puisque la désapprobation silencieuse est massive, et la professionnalisation du métier a transformé un engagement citoyen collectif en un mercenariat déguisé au service d’intérêts cachés. Peut-être est-ce ce dérèglement du moral de nos troupes qui entraine M. Sarkosy dans ce travail de pansement aux allures de placébo électoral ?
Le décervelage méthodique qui accompagne cette perte de sens, récurrent dans les armées, doit-il être étendu à la nation ? Est-il le meilleur moyen de soigner les plaies psychologiques des vivants ? L’Education Nationale doit-elle devenir un service hospitalier pour amnésiques et décervelés au service d’une machine orwellienne ? Toutes ces questions s’articulent autour de la même idéologie rampante d’un pouvoir qui tient le peuple en respect jusqu’à vouloir lui imposer un « prêt à penser » du respect de ses propres morts.
Des solutions ?
Je ne voudrais pas passer pour un grincheux. Soyons constructif. Aussi voilà ce que moi, simple citoyen français, je propose pour honorer nos morts au champ d’honneur :
1/ (accrochez-vous) commémorer les entrées en guerre, et non leurs résultats toujours macabres
A priori choquante, une telle proposition me semble pourtant bien plus sage que de célébrer les victoires françaises dont regorgent encore nos manuels scolaires, qui à y regarder de plus près, n’ont jamais été des victoires pour personne, en tous les cas pas pour les peuples décimés. Commémorer les dates d’entrée officielle en guerre de notre pays, et de tous les morts à la suite de ces décisions funestes, victoires ou défaites, permettrait au moins de nuancer l’interprétation du résultat de ces décisions. Car avouez que dans les conflits récents, il n’est pas simple de déterminer, particulièrement depuis 2001, qui gagne ou perd un conflit, car c’est la nature même de ces conflits qui soulève un questionnement insistant !
Nous pourrions ainsi commémorer par exemple le 9 octobre 2001 (premier bombardement du sol afghan par l’USAF), le 19 mars 2011 (vote de la résolution 1973 autorisant l’appui de l’OTAN aux soi-disant rebelles du CNT pour leur assurer la domination de l’espace aérien libyen) ou encore le 24 mars 1999 ( vote à l’ONU de l’autorisation pour l’OTAN de bombarder le Kosovo au cours de l’opération « Allied Forces » ). Rappelons qu’ au Kosovo (KAFOR) comme en Afghanistan (ISAF), et come en Libye (forces spéciales), nos hommes sont engagés depuis 13, 10, et moins d’1 an.
Il y a à cela de nombreux avantages moraux, idéologiques, et pratiques.
Moraux car ainsi nous serions amenés à réfléchir vraiment, chaque année, sur la folie de nos gouvernements incapables de prévenir les morts à venir, au lieu d’en voiler le questionnement avec les pleurs justes des familles de victimes. Une attitude absolument nécessaire lorsqu’on regarde l’hécatombe libyenne dont nous sommes absolument responsables, et même au premier rang des responsables suite à la volonté affichée depuis février par notre va-t-en guerre élyséen, et pour laquelle célébrer la date du 19 mars 2011 permettrait de garder la mémoire intacte de notre responsabilité quasi-génocidaire en Libye, bien que nous n’ayons subi a priori aucune perte (sauf si notre gouvernement nous cache les pertes des forces spéciales ) ni engrangé aucune victoire au sens territorial du terme à défaut de se pencher sur le futur propriétaire de son sous-sol.
Idéologiques car ainsi nous pourrions chaque année interroger publiquement et populairement les scories douteuses de notre histoire, telle que la Libye certes, mais aussi plus largement cette guerre actuelle au terrorisme menée en Afghanistan, qui ne convainc pas le peuple français, et dont il faudra un jour célébrer les morts parmi nos militaires comme des victimes instrumentalisées par nos hommes politiques affairés à siphonner le pétrole et éventrer les gisements de matières premières, en compétition atlantiste avec nos voisins chinois, et on le voit bien, prêts à tout pour les chasser de terres préemptées par la troïka impérialiste occidentale, le tout corrompus par nos propres producteurs et fournisseurs, le fameux lobby militaro-pétrolier.
Pratiques car il me semble que de cette réflexion devrait naitre l’évidence que j’aborde maintenant :
2/ (gardez votre ceinture attachée) rétablir une forme de service militaire et civique obligatoire
Comme en Suisse, en Islande, en Norvège ou en Autiche, 4 pays très belliqueux, pour redonner du sens à tout engagement armé de notre nation. C’est même à mon sens, avec le recul des errements de notre diplomatie depuis 2001, et le recours irréfléchi au « bouton rouge » en Libye en attendant pire en Syrie ou en Iran par exemple, la seule façon de responsabiliser à nouveau nos hommes politiques, qui y regarderont à 2 fois avant d’envoyer leurs propres fils égaux devant le service militaire à tout citoyen français, se faire tuer pour des causes qui leur échappent, et qui sont maquillées en grandes idées absurdes qui ne convainquent plus personne.
Par contre ce service actif doit bien sûr évoluer, et devenir un outil moderne de brassage social, de maturation et d’acculturation. Le temps des campagnes contre l’illettrisme n’est certes pas révolu, mais les compétences, styles de vie et aspirations de nos jeunes citoyens ont largement évolué. Le temps sous les drapeaux doit être l’occasion d’opportunités à ré-inventer. Apprentissage civique, travaux d’intérêt collectif et général tournés vers l’écologie, aide aux victimes des catastrophes naturelles, eaux et forêts, remise à niveau ou diversification professionnelle, expatriation, l’ensemble selon des modalités de rapports avec l’administration militaire qu’il convient de déterminer, rythmés par les périodes d’apprentissage et d’entrainement militaire et civique. Il s’agit là d’un vaste chantier de réflexion auquel se sont déjà livrés les partis politiques et les chambres, qu’il conviendrait de réhabiliter. Le Sénat a d’ailleurs montré que la valeur intrinsèque d’une armée ne dépendait pas de son mode de recrutement. Mais son idéologie et sa morale, je vous laisse déterminer leur fonctionnement et les paramètres qui en régissent le bien fondé.
De cette façon, et de cette façon seulement, nous redonnerons à notre armée le prestige qu’elle a largement perdu, celui d’être en accord avec les fondements égalitaires de notre démocratie, et nous recentrerons son usage sur ses valeurs cardinales : la défense de notre sol , du peuple qui y vit, et de ses intérêts vitaux dans le respect des peuples et donc de nous-mêmes. Les interventions extérieures, illégales selon de nombreux observateurs (invasion de l’Afghanistan sans preuves publiques de la culpabilité du fugitif recherché, déstabilisation de la Libye basée sur de fausses allégations de Sliman Bouchuiguir à l’ONU) qui débouchent sur des conflits asymétriques ingérables et ultra mortifères feront l’objet d’un débat enfin responsabilisé par l’enjeu du sang patriote et non du sang contractualisé. Assez des croisades et autres équipées de condottieres quasi privatisés qui n’ont rien à voir avec la défense nationale de notre territoire, du peuple qui y vit ou de ses soi-disant intérêts vitaux qui masquent mal une dérive extrémiste d’essence (c’est le cas de le dire aussi) ultralibérale. Les carnages de la décolonisation ont montré les limites de notre morale, ne facilitons pas (mais il est bien tard) le retour à ces boucheries d’un autre âge soigneusement glissées sous le tapis des plateaux télé par de scandaleux BHL et autres usurpateurs-monopolisateurs de fonctions régaliennes et des micros. La nécessité, fut-elle absolue aux yeux de nos dirigeants, d’approvisionner à tout prix nos économies occidentales avec chaque jour environ 40 tankers (sur les 50 produits) de pétrole négocié à « très bon compte » ne justifiera jamais les massacres professionnalisés en cours au Proche et Moyen Orient depuis 10 ans.
3/ ( soufflez, vous êtes arrivé) réformer dans le sens du pluralisme, nos institutions internationales structurellement moribondes
Il faut réformer le conseil de sécurité de l’ONU et le TPI, afin d’y apporter un système de contrepoids actionnable facilement, pour endiguer toute volonté impériale d’une quelconque puissance structurée en état et alliances, ou en lobby transnational souterrain. Que l’Onu cède à des allégations sans preuves, de massacre d’un gouvernement envers son peuple en Libye, alors qu’on voit aujourd’hui, à quel point le résultat final est pire que la pire des hypothèses invoquée au départ pour intervenir, est proprement scandaleux. Désigner le pétrole, le dinar-or, la banque panafricaine de la Jamahiriya, l’indépendance aquifère ou la concurrence et l’ascension chinoises comme seuls responsables de nos dérives macabres n’est pas suffisant.
Là aussi le champ d’investigation et d’imagination doit être revalorisé pour rapprocher ces outils des peuples, puisqu’ils ont été crées pour garantir soi-disant notre sécurité à tous, et une justice pour tous. Y introduire une forme de démocratie directe, par exemple issue d’un processus fédéral qui enregistre les vœux des peuples et les traduit en sièges, en pouvoirs, en financements, en actes, pourrait peut-être corriger l’embourgeoisement léthargique de ces institutions régulièrement traitées de « machins » que sont devenues l’ONU, le TPI, la CPI, le FMI, la BCE et d’autres. Que ces institutions soient régulièrement désignées aussi comme des « chambres d’enregistrement » des volontés des puissants (la mode actuelle pointe GOLDMAN SACHS) indique qu’en l’état elles contribuent à cette même perte de sens qui plonge les peuples dans l’errance.
Conclusion
Ces réflexions constituent finalement une simple « redécouverte de la propagande de guerre » parée de ses nouveaux atours, ceux de la guerre devenue « humanitaire » et son cortège de mensonges bien-pensants. La partie de bonneteau à laquelle nous convie solennellement notre chef de l’Etat au nom de l’indépendance énergétique (je ne vois pas d’autre cause qui « vaille le coup ») en fait partie. Aplatir la manière dont nous honorons nos morts, s’immiscer dans notre intimité, façonner nos mémoires, tels sont quelques principes anciens de la propagande. De tous temps, en temps de guerre, nos gouvernements nous ont menti en son nom, et nous sommes en guerre depuis 10 ans, bien que plus personne ne s’en rende compte grâce à ce travail de la propagande. Ici le mensonge intervient par touches impressionnistes, quasi indolores, homéopathiques. Jamais dans l’histoire des guerres, nous n’avons aussi peu eu l’impression d’être en guerre. Jamais, dans l’histoire des guerres, nous n’avons autant évité d’appeler un massacre, un massacre (Duékoué, Tripoli, Syrte, Zliten…) une busherie, une busherie ( Afghanistan, Libye), un assassinat, un assassinat (Kadhafi, Younés )… et maintenant, nos morts eux-mêmes sont en passe d’être « disneylandisés », réduits à des totems porteurs de mystères tabous, aussi tabous que les mystères du 11-Septembre par lequel tout a (re)commencé il y a 10 ans, tout cela depuis l'Occident et à l’heure d’internet….
note : Ce texte appelle avant tout le débat, que nous retrouvons cette semaine en filigrane avec la sortie du film de Mathieu Kassovitz « L’ordre et la morale » que je ne saurais trop recommander au passage
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