Google, une suprématie dangereuse
Article source du site de Bruno R. récupéré sur Agoravox
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Depuis sa création en 1998 par deux jeunes étudiants américains, Google n’a cessé de croitre à une vitesse vertigineuse pour devenir, en l’espace de quelques années seulement, l’une des entreprises les plus influentes de la planète. Moteur de recherche, système d’exploitation mobile, publicité en ligne, numérisation numérique ou encore télévision connectée, l’entreprise élargit constamment son influence dans les technologies de l’information et des télécommunications. Mais la domination de Google est-elle vraiment sans danger ? Stock d'informations privées, collaboration douteuse avec des gouvernements, la question se pose.
Google contrôle et manipule l’information
Nous sommes le 15 juillet 2011. A sa grande stupéfaction, la rédaction du Soir – un quotidien généraliste belge – s’aperçoit que son site internet n’apparait plus dans les résultats du célèbre moteur de recherche : en recherchant « le soir », l’internaute obtient désormais « Le soir d’Algérie ». Plus aucune allusion au site du quotidien belge. La raison ? Google a supprimé de son index l’ensemble des résultats pointant vers ce dernier. Or, si le moteur de recherche n’a pas besoin du Soir pour assurer sa survie, l’inverse n’est pas exactement vrai : sans aucune visibilité sur Google, le site du journal risque de voir son audience considérablement chuter. Au moment des faits, l’affaire fait un si grand bruit dans les médias – et plus particulièrement sur Internet – que Google se résigne à réintégrer le site dans son index et donc dans les résultats qu’il renvoie.
Une histoire qui en rappelle une autre. En 2006, la version chinoise du moteur de recherche avait accepté, à la demande du gouvernement chinois, de filtrer les résultats pointant sur des éléments compromettants de l’histoire du pays. Ainsi, les massacres de la place Tian’anmen qui eurent lieu en 1989 n’avaient pas leur place dans les résultats de recherche, et l’internaute chinois pouvait apercevoir des photos de familles et personnes souriantes en recherchant des informations sur l’évènement. Pour Google China, la mémoire est interdite.
Ce genre de situations n’est évidemment pas exclusif à Google : par exemple, pour s’implanter en Chine, Bing et Yahoo se sont pliés à des règles similaires imposées par le gouvernement chinois. Mais, à la différence de ses concurrents, Google jouit d’une suprématie qui lui permet d’exercer un contrôle total sur ses diffusions, ce qui représente un véritable danger pour la liberté de l’information et donc, potentiellement, pour la démocratie.Dans une société où Internet est devenu l’une des principales sources d’information, supplantant la radio et titillant la télévision, ses principaux acteurs disposent en effet d’une influence considérable en contrôlant le contenu qu’ils diffusent.
Comment une information, aussi pertinente soit-elle, peut atteindre un internaute si celui-ci n’a aucun moyen d’y accéder ? D’autant qu’avec la multiplication des systèmes de publication – blogs, sites personnels ou indépendants, réseaux sociaux, etc. – l’information afflue à une telle vitesse qu’elle en devient, paradoxalement, de moins en moins accessible.
Face aux enjeux complexes que sont l’archivage et l’accès aux contenus de l’Internet, Google se pose donc en maître d’œuvre, d’autant que les pouvoirs publics ne disposent pas des moyens techniques et financiers de l’entreprise californienne pour répondre à de tels enjeux. Mais, comme le montrent les exemples du Soir et de Google China, la neutralité de Google n’est pas vraiment évidente.
A l’occasion des Rencontres Capitales de Marseille qui se sont déroulées en octobre dernier, Michel Durampart, responsable du pôle Méditerranée de l’institut des sciences de la communication du CNRS, a exprimé son inquiétude à ce sujet : « une société qui délègue l’une de ses missions à une entreprise privée comme Google est une société qui se met en danger ». Directement visée : la réalisation par Google des versions électroniques de nombreux ouvrages de la Bibliothèque Nationale de France. Une entreprise américaine pour contrôler et diffuser le patrimoine français sur Internet ? Pour Jean-Noël Jeanneney, ancien président de la BNF, c’est une aberration : « confier à Google la responsabilité du choix des livres, la maîtrise planétaire de leur forme numérisée, et la quasi-exclusivité de leur indexation sur la Toile n’est pas supportable ».
Google dicte sa loi
L’influence du site américain dépasse donc largement les frontières de son célèbre moteur de recherche, à tel point que la multiplication de ses services – l’hébergement de vidéos avec YouTube, le mail avec Gmail, l’hébergement de documents avec Google Docs, etc. – pose inévitablement de nombreuses problématiques, dont la principale : et si Google devenait le domicile de l’Internet ?
La situation actuelle n’en est pas loin. En 2011, le géant américain détient près de 65% de part de marché aux Etats-Unis quand il en détient plus de 90% en France et au Royaume-Uni. Si, en Asie, la situation du moteur de recherche lui est nettement moins favorable – le marché est dominé par des entreprises locales – la « Google dépendance » est devenue une réalité pour une majorité d’internautes occidentaux qui ont fait de Google leur source principale d’accès à l’information sur Internet. Mécaniquement, les entreprises en sont elles-aussi devenues dépendantes, puisque leurs clients se dirigeront majoritairement sur leur site à partir de Google.
Une situation alarmante, d’autant que personne ne connait véritablement le fonctionnement du célèbre algorithme de Google pour classer les résultats d’une recherche, basés sur le célèbre Pagerank que l’entreprise définit comme un « champion de la démocratie ». Là encore, l’accès aux différents contenus est donc réglementé par le géant américain, d’autant que ses méthodes d’indexation sont en constante évolution.
Déployée en France en août dernier, la dernière version de l’algorithme, baptisée Google Panda, a fait d’innombrables victimes au sein des sites référencés. Selon Search Metrics, des sites comme Dico du Net ou Wikio ont perdu plus de 70 % de visibilité depuis la mise en production de Google Panda. D’après Google, c’est aussi la qualité technique du site qui va déterminer sa visibilité dans les résultats d’une recherche.
En plus de contrôler l’accès aux sites, l’entreprise californienne dicte donc aussi la manière dont les développeurs doivent les concevoir. Désormais, ce sont aux sites de s’adapter à Google, et non plus l’inverse comme ce fut le cas il y a une dizaine d’années : le moteur de recherche impose ses règles.
Quand un service est gratuit, c’est l’utilisateur qui devient le produit
Cependant, serait-il judicieux de diaboliser l’entreprise américaine de manière disproportionnée ? Il faut reconnaitre que Google est devenue l’acteur principal de l’Internet et qu’elle y a apporté une multitude d’innovations. Mais il ne faut pas non plus oublier que la majeure partie de ses services découlent avant tout d’une multitude d’acquisitions.
Ainsi, YouTube, Analytics – un outil d’analyse d’audience – ou encore Android sont des produits que Google n’a pas inventé mais racheté. C’est l’un des fleurons de sa stratégie, qui consiste à attirer ses visiteurs par la qualité reconnue de ses services mais aussi par l’achat d’audience – par exemple, Google finance 85 % du développement du navigateur Firefox pour y avoir une présence en tant que moteur de recherche par défaut.
Mais l’activité principale de Google reste avant tout la publicité. Grâce à ses régies publicitaires Adsense, DoubleClick et AdMob, l’entreprise devient le lien entre les annonceurs et les éditeurs de site qui diffusent de la publicité. Facturé auprès des annonceurs, ce procédé lui permet de réaliser de très importants résultats : au troisième trimestre 2011, Google a réalisé un chiffre d’affaire de 7,51 milliards de dollars, pour un bénéficie net de 2,73 milliards de dollars, soit une augmentation de 26% sur un an. Avec son programme AdWords, Google propose aussi aux annonceurs d’apparaitre dans les résultats d’une recherche en fonction de mots-clés : ce sont les fameux liens sponsorisés. Par exemple, en recherchant le mot « shopping », le premier lien à apparaitre est le site officiel de la célèbre émission de TF1 « téléshopping ». Ce n’est pas la pertinence du site qui importe, mais plutôt la somme que ce dernier est prêt à payer pour apparaitre en premier.
La gratuité des services de Google a un coût : votre vie privée
En France, Google possède plus de 90% de part du marché dans la publicité en ligne. Ses espaces publicitaires réservés sont ainsi extrêmement importants et attirent toujours plus d’annonceurs. Mais surtout, c’est la multitude d’informations que l’entreprise dispose sur chacun de ses utilisateurs qui intéresse les publicitaires. En effet, en utilisant les services de Google, vous lui fournissez un nombre incalculable d’informations personnelles qui lui permettront de mieux vous connaitre et donc de mieux vous cibler.
Ainsi, votre historique de recherches et de navigation, votre position géographique – via l’adresse IP ou les recherches effectuées dans Google Maps –, les contenus de vos discussions Gmail – scannées par des robots – ou encore les sujets d’actualité qui vous intéressent – via vos abonnements sur Google Reader – sont autant d’informations que l’entreprise dispose sur vous.
Vous pouvez effacer votre historique de navigation, supprimer les cookies et le cache de votre navigateur, cela ne servira à rien puisque Google stocke ces informations sur ses serveurs qui lui sont exclusivement accessibles. L’entreprise constitue alors des profils d’utilisateurs qu’elle vend aux annonceurs afin que ceux-ci s’adressent directement à des clients potentiels. L’efficacité reconnue de son système lui permet de pratiquer des tarifs très élevés.
L’entreprise américaine serait-elle devenue le nouveau Big Brother ? Une crainte légitime d’autant que, désormais, les informations que cette dernière détient intéressent aussi les gouvernements, comme le souligne les chiffres qu’elle vient de publier dans le cadre de son opération Google Transparency Report. Nous apprenons par exemple que le gouvernement français a effectué 1300 demandes de renseignements sur des utilisateurs de Google, soit une hausse de 27% par rapport à 2010. L’anonymat sur Internet n’a jamais autant été mis à mal.
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