Guerre à vendre
Article source Agoravox écrit par bernard Pinon
Bizarrement à cette époque la presse non occidentale faisait entendre une histoire très différente, mais ce n’était là bien entendu qu’une propagande de pays alliés au tyran. Très vite, l’opinion se rallia à la nécessité d’une opération militaire dans un but humanitaire. On détruisit donc les infrastructures du pays avec des bombes humanitaires, et on découvrit à cette occasion une nouvelle expression : les « dégâts collatéraux ». Quelques milliers de morts humanitaires plus tard, le pays fut envahi et occupé humanitairement, et le tyran fut traîné devant un tribunal pénal international avec des chefs d’accusations couvrant des milliers de pages. Justice allait pouvoir être faite, et on montra des scènes de liesse à la télévision. La démocratie était en marche et un candidat pro-européen et libéral était en tête de course. Mission accomplie, et on pensa à autre chose.
Mais les juges devant lesquels le tyran se présentait, au lieu de considérer la condamnation comme allant de soi, se mirent, quelle drôle d’idée, à vérifier les chefs d’accusation. Pendant des années, ils convoquèrent des dizaines de témoins, épluchèrent des milliers de pages de documents, écoutèrent attentivement les arguments de la défense, et se retrouvèrent devant une situation bien gênante, car aucune des accusations portées sur le tyran n’était fondée. La seule conclusion possible était de reconnaître l’innocence de l’accusé malgré le risque de scandale que cela pouvait entraîner. Fort heureusement, Milosevic eut l’élégance de mourir avant la fin du procès. Certaines mauvaises langues dirent même qu’on l’avait un peu aidé.
Cela aurait pu, cela aurait dû faire la une des journaux, entraîner un débat : comment avait-on pu être berné à ce point ? Mais non. Après tout, le pays avait rejoint le giron européen et découvrait les joies du libéralisme donc tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et déjà, un nouveau méchant du jour faisait la une des journaux.
C’était un vrai méchant, celui là, dictateur belliqueux à la gâchette facile qui n’avait pas hésité à tirer sur son peuple, pire encore, à en gazer une partie. Et en plus avec la tête de l’emploi. Pire encore, il cuisinait des armes de destruction massive dans sa cave et des armes chimiques dans des camions. Il hébergeait des terroristes d’Al-Quaida et préparait en douce des attentats meurtriers en occident. Le président américain ne manquait pas lorsqu’il parlait de lui d’évoquer le 11 septembre au point qu’on finit par croire que c’était ce tyran qui en était l’instigateur. Son secrétaire d’état monta à la tribune de l’ONU avec une présentation PowerPoint™ et un tube à essai pour nous prouver qu’une intervention militaire était incontournable pour préserver la sécurité du monde libre. Et justement, ça tombait bien, l’armée américaine avait un plan de guerre tout prêt. Il ne lui manquait qu’un peu de renfort que, cette fois-ci, elle eut quelque peine à trouver.
Bizarrement, la presse non atlantiste faisait entendre une histoire un peu différente, comme quoi ce pays ne présentait pas une si grande menace que ça, mais il s’agissait certainement d’un point de vue tout à fait biaisé. L’opinion américaine et celle de nombreux pays européens réclamaient la guerre. N’allait-on pas apporter la démocratie à ce peuple sous le joug ? On détruisit donc le pays démocratiquement, préservant les infrastructure pétrolière mais pas les richesses historiques de l’ancienne Sumer, le berceau des civilisations, et on découvrit à cette occasion une nouvelle expression : le journalisme « embedded » qui nous permit de voir de jolies images de pyrotechnie sur nos écrans. Quelques centaines de milliers de morts démocratiques après, le pays fut envahi et occupé, et on vit des scènes de liesse sur nos écrans. Le président américain déclara que la mission était accomplie. Le pays allait découvrir les bienfaits de la démocratie libérale. Hussein fut arrêté et cette fois on ne commit pas l’erreur de trop vérifier les chefs d’accusation : il fut rapidement pendu haut et court.
Étrangement, on ne trouva pas trace de ces fameuses armes de destruction massive qui constituaient le principal chef d’accusation contre Hussein, et on vit bien que les libérateurs se souciaient plus de remettre en marche la pompe à pétrole que les pompes à eau. Quand aux scènes de liesse, on découvrit qu’elles avaient été montées de toute pièce. Cela aurait pu, cela aurait dû entraîner aux États-Unis et chez leurs alliés un vaste débat : comment a t-on pu se laisser berner à ce point ? Et pour quel résultat ? Mais non, l’actualité était ailleurs, dans les derniers exploits sportifs et les frasques des vedettes à la mode, qui intéressent bien plus les gens que ces histoires de gosses qui crèvent empoisonnés par l’uranium appauvri des obus.
On aurait pu croire qu’après cela, les gens seraient devenus plus méfiants : trompe-moi une fois, honte sur toi, trompe-moi deux fois honte sur moi. Que nenni. L’histoire se répéta avec un nouveau méchant du jour. Il s’agissait cette fois d’un dictateur d’opérette dont on oublia bien de mentionner qu’il était parvenu à hisser son pays au meilleur niveau de vie de toute l’Afrique. Là encore on en fit l’incarnation du diable, qui tirait sur son propre peuple, muselait l’opposition et la presse et refusait de s’endetter comme tout pays civilisé le fait. Tout juste si il ne mangeait pas des enfants au petit déjeuner. Les têtes parlantes de nos étranges lucarnes étaient unanimes, qu’ils soient journalistes chroniqueurs ou philosophes de salon : une intervention militaire humanitaire et démocratique était nécessaire. On monta à la tribune de l’ONU pour démontrer le bien fondé de l’affaire. Et justement, ça tombait bien, l’OTAN avait un plan militaire tout prêt en réserve. On peut remercier les militaires d’être prévoyants.
On ramena donc humanitairement et démocratiquement le pays au moyen-âge, accompagnant les courageux opposants dans leur lutte contre le despote qui fut en toute justice torturé à mort. Et, miracle démocratique, on aida ces opposants à constituer un nouveau gouvernement dont les premières mesures furent de créer une banque centrale indépendante affiliée à la Banque des Règlements Internationaux à Berne pour que le pays puisse s’endetter normalement, et au passage à instaurer des lois qu’on dit inspirées de la sagesse du prophète, ce qui valut à notre BHL national le surnom de « Charia Express », prouvant au passage qu’il restait quelques dents dans la mâchoire des Guignols. Il y eut bien cette fois quelques voix discordantes, mais les seules qu’on entendit à des heures de grande écoute furent celles de deux avocats sulfureux que le chroniqueur maison couvrit généreusement d’insultes.
On aurait pu croire qu’après cela, les gens se seraient posés des questions, qu’il y aurait eu des débats vifs sur le bien fondé de l’intervention. Pensez-vous. Et déjà se pointait un nouveau méchant du jour avec cette fois une surprise car on s’attendait à voir le président Iranien comme nouvelle cible mais le président Syrien lui vola la vedette. Et c’est reparti comme en quarante, avec les mêmes recettes : massacre du peuple, martyr des opposants et peut-être charniers, qui sait. Là encore, la presse non occidentale donne une version très différente de l’histoire, parle d’agents provocateurs et de mercenaires étrangers, mais ce n’est là bien sûr que propagande éhontée que nos média si objectifs dénoncent courageusement en nous montrant des images d’atrocités à la provenance mal identifiée mais certainement crédible. Là encore, on pérore à la tribune de l’ONU pour exiger qu’on légitimise une intervention militaire humanitaire, démocratique et juste pour protéger ce peuple opprimé en détrônant à coup de bombes le tyran sanguinaire. Et justement, ça tombe bien, l’armée américaine et l’OTAN ont dans leur stocks un plan d’attaque ciselé de longue date si on en croît le général Wesley Clark.
Mais la presse s’est tellement fait le véhicule de mensonges dans le passé qu’elle a dû certainement se montrer cette fois-ci plus prudente, donc on y croit. Encore. Toujours. Le marketing de la guerre est maintenant bien rôdé et fonctionne à plein régime. La Syrie sera détruite et l’Iran suivra. On y mettra en place un régime probablement islamiste mais compatible avec les intérêts économiques et géostratégiques occidentaux. Par contre, les gentils despotes tels que la monarchie Saoudienne n’ont aucun soucis à se faire et peuvent continuer tranquillement d’opprimer les femmes et d’assassiner les opposants : eux sont docilement à notre côté. Bonne gerbe à tous.
Vendre la guerre aux américains
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L'original et le manipulé : le discourt d'Hugo Chavez
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Manipulation médiatique, censure, propagande (Fox News)
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Journalisme servile ou opprimé?
Oil, smoke and mirror (pétrole et écrans de fumées)
Al Quaeda n'existe pas
Rappelez-vous, c’était il n’y a pas si longtemps. Un infâme despote, pourtant démocratiquement élu, faisait la une des journaux.
Il oppressait une minorité ethnique, tirait sur son peuple, muselait la presse et tenait son pays d’une main de fer en jouant sur le nationalisme le plus ranci. On parlait de charniers, de crimes de guerre quand ce n’était pas contre l’humanité. Les droits de l’homme étaient bafoués. On voyait des images atroces de massacres en boucle à la télé. Des associations humanitaires tiraient le signal d’alarme et évoquaient le « droit d’ingérence ». On monta à la tribune de l’ONU pour réclamer une intervention militaire. Et justement, ça tombait bien, l’OTAN avait dans sa boutique un plan d’action tout prêt.Bizarrement à cette époque la presse non occidentale faisait entendre une histoire très différente, mais ce n’était là bien entendu qu’une propagande de pays alliés au tyran. Très vite, l’opinion se rallia à la nécessité d’une opération militaire dans un but humanitaire. On détruisit donc les infrastructures du pays avec des bombes humanitaires, et on découvrit à cette occasion une nouvelle expression : les « dégâts collatéraux ». Quelques milliers de morts humanitaires plus tard, le pays fut envahi et occupé humanitairement, et le tyran fut traîné devant un tribunal pénal international avec des chefs d’accusations couvrant des milliers de pages. Justice allait pouvoir être faite, et on montra des scènes de liesse à la télévision. La démocratie était en marche et un candidat pro-européen et libéral était en tête de course. Mission accomplie, et on pensa à autre chose.
Mais les juges devant lesquels le tyran se présentait, au lieu de considérer la condamnation comme allant de soi, se mirent, quelle drôle d’idée, à vérifier les chefs d’accusation. Pendant des années, ils convoquèrent des dizaines de témoins, épluchèrent des milliers de pages de documents, écoutèrent attentivement les arguments de la défense, et se retrouvèrent devant une situation bien gênante, car aucune des accusations portées sur le tyran n’était fondée. La seule conclusion possible était de reconnaître l’innocence de l’accusé malgré le risque de scandale que cela pouvait entraîner. Fort heureusement, Milosevic eut l’élégance de mourir avant la fin du procès. Certaines mauvaises langues dirent même qu’on l’avait un peu aidé.
Cela aurait pu, cela aurait dû faire la une des journaux, entraîner un débat : comment avait-on pu être berné à ce point ? Mais non. Après tout, le pays avait rejoint le giron européen et découvrait les joies du libéralisme donc tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et déjà, un nouveau méchant du jour faisait la une des journaux.
C’était un vrai méchant, celui là, dictateur belliqueux à la gâchette facile qui n’avait pas hésité à tirer sur son peuple, pire encore, à en gazer une partie. Et en plus avec la tête de l’emploi. Pire encore, il cuisinait des armes de destruction massive dans sa cave et des armes chimiques dans des camions. Il hébergeait des terroristes d’Al-Quaida et préparait en douce des attentats meurtriers en occident. Le président américain ne manquait pas lorsqu’il parlait de lui d’évoquer le 11 septembre au point qu’on finit par croire que c’était ce tyran qui en était l’instigateur. Son secrétaire d’état monta à la tribune de l’ONU avec une présentation PowerPoint™ et un tube à essai pour nous prouver qu’une intervention militaire était incontournable pour préserver la sécurité du monde libre. Et justement, ça tombait bien, l’armée américaine avait un plan de guerre tout prêt. Il ne lui manquait qu’un peu de renfort que, cette fois-ci, elle eut quelque peine à trouver.
Bizarrement, la presse non atlantiste faisait entendre une histoire un peu différente, comme quoi ce pays ne présentait pas une si grande menace que ça, mais il s’agissait certainement d’un point de vue tout à fait biaisé. L’opinion américaine et celle de nombreux pays européens réclamaient la guerre. N’allait-on pas apporter la démocratie à ce peuple sous le joug ? On détruisit donc le pays démocratiquement, préservant les infrastructure pétrolière mais pas les richesses historiques de l’ancienne Sumer, le berceau des civilisations, et on découvrit à cette occasion une nouvelle expression : le journalisme « embedded » qui nous permit de voir de jolies images de pyrotechnie sur nos écrans. Quelques centaines de milliers de morts démocratiques après, le pays fut envahi et occupé, et on vit des scènes de liesse sur nos écrans. Le président américain déclara que la mission était accomplie. Le pays allait découvrir les bienfaits de la démocratie libérale. Hussein fut arrêté et cette fois on ne commit pas l’erreur de trop vérifier les chefs d’accusation : il fut rapidement pendu haut et court.
Étrangement, on ne trouva pas trace de ces fameuses armes de destruction massive qui constituaient le principal chef d’accusation contre Hussein, et on vit bien que les libérateurs se souciaient plus de remettre en marche la pompe à pétrole que les pompes à eau. Quand aux scènes de liesse, on découvrit qu’elles avaient été montées de toute pièce. Cela aurait pu, cela aurait dû entraîner aux États-Unis et chez leurs alliés un vaste débat : comment a t-on pu se laisser berner à ce point ? Et pour quel résultat ? Mais non, l’actualité était ailleurs, dans les derniers exploits sportifs et les frasques des vedettes à la mode, qui intéressent bien plus les gens que ces histoires de gosses qui crèvent empoisonnés par l’uranium appauvri des obus.
On aurait pu croire qu’après cela, les gens seraient devenus plus méfiants : trompe-moi une fois, honte sur toi, trompe-moi deux fois honte sur moi. Que nenni. L’histoire se répéta avec un nouveau méchant du jour. Il s’agissait cette fois d’un dictateur d’opérette dont on oublia bien de mentionner qu’il était parvenu à hisser son pays au meilleur niveau de vie de toute l’Afrique. Là encore on en fit l’incarnation du diable, qui tirait sur son propre peuple, muselait l’opposition et la presse et refusait de s’endetter comme tout pays civilisé le fait. Tout juste si il ne mangeait pas des enfants au petit déjeuner. Les têtes parlantes de nos étranges lucarnes étaient unanimes, qu’ils soient journalistes chroniqueurs ou philosophes de salon : une intervention militaire humanitaire et démocratique était nécessaire. On monta à la tribune de l’ONU pour démontrer le bien fondé de l’affaire. Et justement, ça tombait bien, l’OTAN avait un plan militaire tout prêt en réserve. On peut remercier les militaires d’être prévoyants.
On ramena donc humanitairement et démocratiquement le pays au moyen-âge, accompagnant les courageux opposants dans leur lutte contre le despote qui fut en toute justice torturé à mort. Et, miracle démocratique, on aida ces opposants à constituer un nouveau gouvernement dont les premières mesures furent de créer une banque centrale indépendante affiliée à la Banque des Règlements Internationaux à Berne pour que le pays puisse s’endetter normalement, et au passage à instaurer des lois qu’on dit inspirées de la sagesse du prophète, ce qui valut à notre BHL national le surnom de « Charia Express », prouvant au passage qu’il restait quelques dents dans la mâchoire des Guignols. Il y eut bien cette fois quelques voix discordantes, mais les seules qu’on entendit à des heures de grande écoute furent celles de deux avocats sulfureux que le chroniqueur maison couvrit généreusement d’insultes.
On aurait pu croire qu’après cela, les gens se seraient posés des questions, qu’il y aurait eu des débats vifs sur le bien fondé de l’intervention. Pensez-vous. Et déjà se pointait un nouveau méchant du jour avec cette fois une surprise car on s’attendait à voir le président Iranien comme nouvelle cible mais le président Syrien lui vola la vedette. Et c’est reparti comme en quarante, avec les mêmes recettes : massacre du peuple, martyr des opposants et peut-être charniers, qui sait. Là encore, la presse non occidentale donne une version très différente de l’histoire, parle d’agents provocateurs et de mercenaires étrangers, mais ce n’est là bien sûr que propagande éhontée que nos média si objectifs dénoncent courageusement en nous montrant des images d’atrocités à la provenance mal identifiée mais certainement crédible. Là encore, on pérore à la tribune de l’ONU pour exiger qu’on légitimise une intervention militaire humanitaire, démocratique et juste pour protéger ce peuple opprimé en détrônant à coup de bombes le tyran sanguinaire. Et justement, ça tombe bien, l’armée américaine et l’OTAN ont dans leur stocks un plan d’attaque ciselé de longue date si on en croît le général Wesley Clark.
Mais la presse s’est tellement fait le véhicule de mensonges dans le passé qu’elle a dû certainement se montrer cette fois-ci plus prudente, donc on y croit. Encore. Toujours. Le marketing de la guerre est maintenant bien rôdé et fonctionne à plein régime. La Syrie sera détruite et l’Iran suivra. On y mettra en place un régime probablement islamiste mais compatible avec les intérêts économiques et géostratégiques occidentaux. Par contre, les gentils despotes tels que la monarchie Saoudienne n’ont aucun soucis à se faire et peuvent continuer tranquillement d’opprimer les femmes et d’assassiner les opposants : eux sont docilement à notre côté. Bonne gerbe à tous.
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