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Article écrit par
François Asselineau
POUR LA PREMIÈRE FOIS, UN COMMISSAIRE EUROPÉEN AVOUE QUE LA DÉSINTÉGRATION DE LA ZONE EURO EST POSSIBLE
Olli Rehn, commissaire européen de nationalité finlandaise, diplômé
du Saint Paul College du Minnesota (USA) et de l’université de Berkeley
en Californie (USA), était chargé de l’élargissement dans la 1ère
Commission Barroso (2004 – 2009).
À ce titre, et en fidèle exécuteur des directives américaines, il a
joué un rôle important dans l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie
dans l’UE, ainsi que dans la poursuite et l’accélération des travaux
pour permettre à la Turquie d’entrer dans l’UE avant 2020.
En ce 31 mai 2012, c’est en sa qualité de commissaire européen
chargé des affaires économiques qu’il vient de lancer un cri d’alarme
sur l’euro. Conformément, là encore, aux instructions américaines que le
président Obama a martelées
pendant le G8 de Camp David il y a une dizaine de jours.
[Mario Draghi et Olli Rehn]
S’exprimant devant le Brussels Economic Forum,
M. Rehn a en effet affirmé
qu’il fallait prendre des mesures en conséquence « si nous voulons
éviter une désintégration de la zone euro et si nous voulons qu’elle
survive ».
UNE SPECTACULAIRE ENTORSE AU DOGME EUROPÉISTE
Sauf erreur de ma part, c’est la toute première fois qu’un membre de
la Commission européenne, le « Saint des saints » de l’européisme (et
non des moindres puisque c’est le commissaire en charge), évoque
l’hypothèse non pas seulement de la sortie de la Grèce, mais plus
globalement de la « désintégration » de tout l’édifice.
Car c’est un article essentiel du Dogme de la Sainte Église
Européiste que d’affirmer que la construction européenne est une « union
sans cesse plus étroite » :
-
a)- le traité de Rome signé le 25 mars 1957 pose ainsi en préambule
que son objectif est d’ « établir les fondements d’une union sans cesse
plus étroite entre les peuples européens » ;
-
b)- l’actuel TUE reprend cette formule dans son préambule, au paragraphe suivant :
« RÉSOLUS à poursuivre le processus créant une union sans cesse plus
étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont
prises le plus près possible des citoyens, conformément au principe de
subsidiarité, »
-
c)- comme si cela ne suffisait pas, l’actuel TFUE reprend aussi cette formule dans son préambule, au paragraphe suivant :
On notera d’ailleurs que cette expression témoigne d’un esprit assez
dérangé. Car, si on la prend au pied de la lettre, une « union sans
cesse plus étroite » ne peut aboutir, au fil du Temps, qu’à la
disparition de tout dans un écrasement général. Ce serait comparable à
ce « Big crunch », évoqué par certains astrophysiciens, pour illustrer
l’hypothèse (aujourd’hui démentie par les recherches) où l’Univers,
après avoir connu une phase d’expansion, pourrait connaître une phase de
contraction et s’effondrer sur lui-même pour ne plus former qu’un seul
point.
-
d)- C’est également un article de la Foi européiste que d’affirmer que
l’entrée dans l’euro est un acte irrévocable et sans retour, comme la
prononciation de vœux éternels pour entrer au Carmel.
C’est la raison pour laquelle aucun traité européen, passé ou en
vigueur, n’a jamais prévu la possibilité de sortir de l’euro. Puisque je
ne cesse de le dire depuis plusieurs années, mes lecteurs savent
parfaitement que la seule et unique possibilité juridique d’en sortir
passe par la dénonciation de tous les traités en application de
l’article 50 du TUE. C’est d’ailleurs l’avis juridique de la Commission
européenne elle-même.
Du reste, dans l’article 140, alinéa 3 du TFUE (ex-articles 121,
paragraphe 1, 122, paragraphe 2, seconde phrase, et 123, paragraphe 5,
du TCE dit « Traité de Maastricht »), la notion d’« irrévocabilité »
apparaît noir sur blanc :
« le Conseil, statuant à l’unanimité des États membres dont la
monnaie est l’euro et de l’État membre concerné, sur proposition de la
Commission et après consultation de la Banque centrale européenne, fixe
IRRÉVOCABLEMENT le taux auquel l’euro remplace la monnaie de l’État
membre concerné et décide les autres mesures nécessaires à
l’introduction de l’euro en tant que monnaie unique dans l’État membre
concerné. »
[source :
http://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Trait%C3%A9_sur_le_fonctionnement_de_l%E2%80%99Union_europ%C3%A9enne&printable=yes]
Enfin, cette voie sans retour a toujours été affirmée haut et fort
par tous les ténors de l’européisme. Comme je le rappelle fréquemment,
c’est Yves-Thibault de Silguy, à l’époque Commissaire européen chargé de
la mise en place de la monnaie unique, qui déclara par exemple en
janvier 1999 au journal Le Monde que « l’euro est une autoroute sans
sortie ». Encore une expression qui témoigne d’un esprit dérangé…
[source : Cité par dans « L'économie européenne reste vulnérable malgré
l’euro » de Lucas Delattre du 09/01/ 1999 et dans « Les dangers d’une
schizophrénie monétaire » de Pierre-Antoine Delhommais du 22/01/99].
En bref, c’est donc à une entorse spectaculaire du Dogme européiste que nous venons d’assister ce matin.
Qu’un commissaire européen ose publiquement envisager que tout
l’édifice pourrait bien s’effondrer, c’est-à-dire que tous les articles
précités du « droit canon » européiste puissent n’être que des chiffons
de papier, voilà qui est à peu près comparable à ce que serait la
déclaration d’un cardinal de la Curie romaine qui exprimerait
publiquement des doutes sur le mystère pascal de la Résurrection.
UN DISCOURS FOSSILISÉ QUI PERD PIED AVEC LA RÉALITÉ
Bien entendu, l’aveu spectaculaire d’Olli Rehn s’est accompagné des
recommandations habituelles sur l’urgence des « réformes
indispensables ».
M. Rehn a ainsi estimé qu’il fallait agir sur trois fronts :
« d’abord rester sur la voie de la consolidation budgétaire,
deuxièmement mettre en œuvre des réformes structurelles, troisièmement
soutenir les investissements publics et privés pour alimenter le moteur
de la croissance. »
Sinon ? Eh bien sinon c’est l’Apocalypse pardi ! : « une
désintégration (de la zone euro) mènerait à une dépression terrible en
Europe et dans le monde » nous a lancé notre diplômé de Berkeley (USA).
Qu’en penser ?
Eh bien qu’il n’y a strictement rien de neuf. M. Rehn psalmodie la
même ritournelle européiste que celle que l’on entend depuis une
vingtaine d’années :
-
– « rester sur la voie de la consolidation budgétaire » ?
Mais c’est ce que préconisent les critères de Maastricht fixés en 1992. Depuis 20 ans tout rond…
-
- « mettre en œuvre des réformes structurelles » ?
Mais ce sont les injonctions que la Commission prodigue depuis le
début des années 2000, notamment dans le cadre des GOPÉ (Grandes
Orientations de Politique Économique, prévues par le traité de
Maastricht et repris dans le TFUE : cf. articles 5 et 121 du TFUE
notamment)
-
- « soutenir les investissements publics et privés pour alimenter le moteur de la croissance. » ?
Mais comment peut-on « soutenir les investissements publics »
puisque tous les États sont au contraire sommés de brader tout leur
patrimoine public et de tailler dans toutes leurs dépenses ??
Et comment peut-on « soutenir les investissements privés » puisque
les aides sont très généralement formellement interdites par la
Commission européenne elle-même ? Et que le secteur privé est au
contraire invité à délocaliser le maximum de ses investissements en
dehors de la zone euro, en application de l’article 63 du TFUE ?
En bref, le discours de M. Rehn est pathétique : c’est une langue de
bois ossifiée, coupée des réalités, qui tourne à vide. Elle fait penser
irrésistiblement aux communiqués du Kremlin sous Andropov ou
Tchernenko : l’impasse économique, politique et sociale est de plus en
plus manifeste ? La seule réponse d’un pouvoir momifié est de ratiociner
les mêmes lubies, que d’ailleurs plus personne n’écoute.
On notera au passage que M. Rehn a estimé que les euro-obligations
n’étaient pas une solution aux problèmes actuels de la zone euro, en
lançant : « Nous ne parviendrons pas à surmonter nos problèmes en nous
focalisant sur l’émission de dette ».
M. Rehn n’oublie donc pas qu’il est Finlandais. Et que, à une
échelle moindre que l’Allemagne mais tout de même, les Finlandais voient
avec une grande inquiétude le montant des euros en provenance des pays
du sud de l’Europe venir se réfugier en Finlande, au risque d’entraîner
la banque centrale de Finlande dans des abîmes. M. Rehn comprend aussi
que les euro-bonds signifierait une hausse spectaculaire des taux
auxquels emprunterait la Finlande.
On mesure au passage l’impact que M. Hollande a obtenu en réclamant,
avec ses petits poings, la création d’euro-bonds : zéro. Personne ne
porte la moindre attention aux propos irréfléchis du sieur Hollande, à
part nos médias bien sûr, qui le font pour enfumer les électeurs
français.
LA SITUATION DE BLOCAGE DEVIENT TOTALE
Certains imagineront que toute cette affaire est cousue de fil blanc
et que, selon la formule « ordo ab chaos », la crise de plus en plus
profonde de la zone euro va être mise à profit (voire même aurait été
conçue…) par l’oligarchie euro-atlantiste pour franchir un nouveau pas
décisif dans l’intégration.
Je ne partage pas ce point de vue.
Je ne dis certes pas que de telles pensées ne traversent pas, parfois, la tête de tel ou tel responsable de l’Europe.
Mais je tiens à faire observer que, si nous en sommes rendus à cette
situation de désastre de plus en plus manifeste, c’est précisément à
cause de cette stratégie du coup de force permanent dont sont victimes
les peuples d’Europe depuis plusieurs décennies.
N’oublions pas, en effet :
-
- que la ratification du traité de Maastricht en 1992 fut une
pantalonnade en France (la propagande pour le Oui se hissa à des niveaux
inouïs) et au Danemark (on fit revoter les Danois qui avaient « mal
voté »),
-
- que la ratification des traités d’Amsterdam et Nice fut faite en France dans le dos des Français,
-
- que les Français dirent Non à 55 % et les Néerlandais Non à 62 % à la constitution européenne il y a 7 ans,
-
- que, nonobstant, les eurotyrans imposèrent le traité de Lisbonne, sans demander l’avis des peuples concernés.
Or les événements ont révélé, à chaque fois, que les passages en force,
loin d’avoir réglé les problèmes, les ont empirés. Plus l’on musèle les
peuples et plus l’on plonge les pays d’Europe dans une situation encore
plus calamiteuse.
Si nouveau passage en force il y a, il produira donc les mêmes effets.
Et c’est bien là qu’est tout le problème des européistes : ils se
sont accaparés tous les pouvoirs : politiques, médiatiques, économiques,
monétaires, financiers, diplomatiques et militaires.
Et ils découvrent avec horreur que plus ils ont accaparé de pouvoirs et mois cela marche.
Ils sont donc contraints par les faits à reconnaître, de plus en plus, que
le problème de la construction européenne n’est pas exogène ; il est
ENDOGÈNE. Si cela ne marche pas, ce n’est pas de la faute des peuples,
c’est que le principe de base est erroné. Depuis 1957.
C’est ce sentiment de lassitude devant une construction impossible qui
commence à se faire jour dans les déclarations de tel ou tel autre
responsable.
Ce 31 mai 2012 également, le président de la BCE,
Mario Draghi, a ainsi lancé cette déclaration désabusée : « Nos responsables doivent clarifier leur vision de l’euro dans quelques années, à quoi la zone euro ressemblera…
Vingt ans après avoir créé l’euro, une déclaration aussi
crépusculaire résonne comme un formidable aveu. Elle laisse augurer des
tremblements de terre politiques et sociaux qui vont secouer tout le
continent européen dans les années, sinon les mois, qui viennent.
François ASSELINEAU
Président de l’UPR :
www.u-p-r.fr
Page facebook :
https://www.facebook.com/upr.francoisasselineau