La crise qui (re)vient
Clovis CASADUE, pour la revue FLASH
Publié sur Mecanopolis, avec l’aimable autorisation de Jean-Emile Néaumet, directeur de la rédaction.
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Maintenir artificiellement par la dépense publique un secteur de l’économie – l’immobilier, la bagnole – en espérant qu’il servira de carotte à la consommation est le principe du “cercle vertueux”. Sauf que c’est autant qui s’ajoute à la dette, et la vertu devient vice. Les USA sont en train d’y replonger, et nous derrière…
Le mois dernier, la crise financière a connu un nouveau tournant aux États-Unis. Depuis 2009, la Réserve fédérale américaine (Fed) a soutenu le marché immobilier, en offrant 400 milliards de dollars de garanties aux organismes de financement du logement, permettant ainsi aux investisseurs privés de pouvoir continuer à les financer. Cette perfusion a permis, en deux ans, de stopper la chute de la valeur immobilier, par laquelle la crise à commencé en 2008 avec les prêts subprimes et, par extension, de maintenir artificiellement la consommation des ménages américains. Le but est de créer, selon l’expression de Jacques Attali, un « cercle vertueux », de sorte que « la dépense publique crée la croissance, qui augmente la valeur de l’immobilier, qui pousse à la consommation, qui augmente la croissance et les recettes fiscales, qui financent la dépense publique. »
Autrement dit, l’immobilier étant le moteur du patrimoine, donc de la consommation, il est la, condition du financement de la dette publique. Cela confirme ce que nous écrivions ici même il y a quelques semaines : les États-Unis sont drogués à la dette. Depuis 2008, ils ont continué à l’aggraver, en finançant l’immobilier, pour trouver les moyens de la financer, en escomptant que l’immobilier provoque la croissance nécessaire.
Le problème c’est que, dans la pratique, la méthode n’a pas donné les résultats escomptés et que, n’ayant plus les moyens de le financer, le « cercle vertueux » s’est transformé en « cercle vicieux ». Le Trésor US (United States Department of the Treasury) a donc cessé, en juillet 2010, d’accorder la prime de 8 000 dollars à ceux qui achetaient leur premier logement.
Le mois suivant, c’est la Fed qui a arrêté l’achat des titres hypothécaires et des dettes des banques de crédit hypothécaire, qu’elle s’était pourtant engagée à soutenir. Cette décision ne manquera pas d’entraîner la faillite d’un certain nombre de ces institutions bancaires, et de provoquer une chute de la consommation et de la croissance. Cette nouvelle crise qui se profile aux États-Unis ne manquera pas, comme en 2008, de déferler sur l’Europe.
Un scénario à la Lehman Brothers en Europe ?
À propos de la crise en Europe, on sait maintenant avec certitude que, le 6 mai dernier, l’Espagne, incapable de refinancer sa dette, s’est retrouvée en défaut de paiement, entraînant dans son sillage les banques espagnoles puis le marché boursier national, qui a perdu 14 % dans cette seule journée.
Les marchés financiers avaient donc bloqué le robinet de la dette publique et privée de l’Espagne, faisant ainsi courir le risque d’une faillite quasi immédiate des banques les plus fragilisées par la crise de l’immobilier qui sévit dans le pays.
Ensuite, dans une réaction en chaîne, la situation critique de l’Espagne aurait induit une probabilité importante de défauts de deux grandes banques commerciales, l’une allemande et l’autre française, fortement impliquées dans la dette publique des États, faisant craindre à Bruxelles un scénario catastrophe à la Lehman Brothers. C’est pour cette raison, contrairement à ce qui a étéannoncé, que la BCE a ensuite réagi en précipitant le plan de sauvetage de 750 milliards d’euros, afin de sauver in extremis l’Espagne et éviter de faire plonger ses créanciers allemands et français. Même si la BCE continue, pour l’heure, à se substituer aux banques sur le marché des prêts interbancaires, le risque d’un blocage au niveau européen est important. Cela pourrait profiter au projet de gouvernance économique européenne, pour lequel nous écrivions, il y a 15 jours, qu’il était encore flou.
Gouvernance économique européenne
Il semblerait que l’on soit désormais en train de sortir de ce flou, ou du moins que le groupe de travail dirigé par Hermann van Rompuy, qui doit rendre son rapport pour la fin du mois d’octobre, ait décidé de lâcher quelques informations, peut-être pour prendre la température.
Nous savons qu’un des objectifs de ce projet de gouvernance économique est de soumettre préalablement les budgets des pays membres de l’Union européenne à son approbation. Une autre idée est en train de germer : mutualiser l’ensemble de la dette des États des pays membres, de sorte à rendre possible l’émission d’obligations européennes. Ainsi, ce gouvernement économique européen abrogerait à la fois la capacité des pays membres à emprunter en même temps que leur possibilité à décider de leur budget. Bien sûr, ce modèle sera présenté dans le but de consolider le rôle de l’euro comme monnaie de réserve et permettant à chaque État membre d’assainir durablement ses finances publiques.
En réalité, si ce modèle est adopté, la souveraineté politique, économique et sociale des pays de l’Union européenne ne sera plus qu’un souvenir.
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