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Voici une information de poids venant de l’ex-sénateur Bob Graham : ce dernier met directement en cause le FBI pour avoir dissimulé des informations avant septembre 2001 sur les liens possibles entre certains des pirates de l’air du 11/9 et le couple al-Hijji, de riches Saoudiens vivant à l’époque à Sarasota en Floride, et qui faisait l’objet d’une surveillance par le Bureau. Et il le fait en s’appuyant sur le contenu de documents classifiés auquel il a pu avoir accès récemment, et qui contredisent la version du FBI.
Mais avant de découvrir les arguments et les questionnements de Bob Graham, rappelons que cet ancien co-président de l’enquête conjointe du Congrès de 2003 (
Congressional Joint Investigation) sur le 11-Septembre, parlant à Dylan Ratigan sur MSNBC en septembre dernier,
avait déjà appelé les autorités à rouvrir l’enquête sur les attentats du 11-Septembre, s’appuyant sur le fait que
la CIA avait dissimulé au FBI des informations sur deux futurs pirates de l’air, al-Mihdhar et al-Hazmi, et notamment sur
leur soutien par les autorités saoudiennes. [Nous aurons d'ailleurs plus de détails grâce au 2e volet de
l'enquête exhaustive de Kevin Fenton]. Cette fois, c’est donc au tour du FBI d’être accusé de dissimulation d’information avant le 11/9, une attitude de déni qui perdure depuis, malgré l’accumulation d’indices contraires, et désormais, de documents officiels.
L’ex-sénateur de Floride Bob Graham
Bob Graham : Les déclarations publiques du FBI sont en contradiction avec les documents de l’enquête sur le volet « Sarasota » du 11-Septembre
Par Dan Christensen et Anthony Summers, pour BrowardBulldog, février 2012
Traduction
GV
L’ex-sénateur de Floride Bob Graham a pu lire deux documents classifiés du FBI et affirme qu’ils soulèvent de nouvelles questions sur l’enquête – qui était alors secrète – du Bureau sur un soutien possible des Saoudiens aux pirates de l’air du 11/9 lorsqu’ils se trouvaient à Sarasota.
Graham ne dévoilera pas le contenu de ces documents, qui sont classés « Secret », mais il indique que les informations qu’ils contiennent sont en contradiction avec les affirmations faites publiquement par le FBI selon lesquelles il n’y avait aucune connexion entre les pirates de l’air et des Saoudiens vivant à l’époque à Sarasota.
«
Il existe des incohérences substantielles entre les déclarations publiques faites par le FBI en septembre, et ce que j’ai lu dans les documents classifiés, » a déclaré Graham.
«
L’un des documents apporte la preuve que l’investigation ne fut pas l’enquête approfondie que le FBI affirme avoir menée, » a ajouté Graham. «
Une piste d’investigation majeure n’a pas été suivie, et on a pris des déclarations non corroborées pour argent comptant. »
La question de savoir si les pirates de l’air du 11-Septembre ont agi seuls ou ont reçu de l’aide lorsqu’ils étaient sur le sol des États-Unis reste une question toujours en suspens, et elle fut pourtant posée dès que l’on apprit que 15 des 19 pirates de l’air étaient des citoyens saoudiens. Cela fut souligné lorsque l’enquête bi-partisane conjointe du Congrès, dont Graham était le coprésident, publia son rapport en juillet 2003. Les dernières 28 pages qui concernaient de possibles soutiens saoudiens aux terroristes, furent totalement censurées, sur instructions de George W. Bush.
Graham a expliqué que les deux documents classifiés du FBI qu’il a lus, dataient de 2002 et 2003, et avaient été préparés par un agent qui participait à l’enquête de Sarasota. Il a ajouté que l’agent en question avait demandé qu’une autre agence fédérale soit associée à l’enquête, mais son idée fut rejetée.
Graham a tenté au cours de ces dernières semaines de contacter l’agent, mais a appris que le FBI avait demandé à l’homme de ne pas parler.
DES PLAQUES D’IMMATRICULATION LIÉES AUX PIRATES
L’enquête menée par le FBI voilà 10 ans s’était concentrée sur
Abdulaziz al-Hijji (ci-contre) et sa femme Anoud, qui étaient partis de leur domicile situé dans le très chic quartier de Prestancia, et qui avaient quitté le pays quelques semaines avant le 11/9. D’après les documents de la police, le couple, qui vivait là depuis 1995, avait laissé derrière lui sa voiture, et de nombreux effets personnels tels que les vêtements, le mobilier, les médicaments, et de la nourriture. Un voisin inquiet avait alerté le FBI.
D’après un officier du contre-terrorisme – parlant sous conditions d’anonymat, et l’ex administrateur de Prestancia, Larry Berberich, l’étude des allées et venues dans cette maison et des photos des plaques d’immatriculation montre que les véhicules conduits par plusieurs futurs pirates de l’air s’étaient garés devant le domicile des al-Hijji, au 4224 Escondito Circle, Sarasota (Floride).
Le propriétaire de la maison était le père de madame Al-Hijji, Esam Ghazzawi, un conseiller du Prince Fahd ben Salman ben Abdulaziz al Saud, neveu du Roi Fahd, et connu pour être un grand propriétaire de chevaux. Le Prince Fahd est décédé en juillet 2001.
Al-Hijji, qui vit et travaille maintenant à Londres, a évoqué le 11/9 ce mois-ci, le qualifiant de «
crime contre les USA et contre l’humanité, » et a ajouté qu’il se sentait «
triste et stressé par ces fausses allégations. » Il a ajouté qu’il n’était pas vrai que Mohammed Atta et d’autres pirates lui avaient rendu visite à son domicile de Sarasota.
Le FBI soutient [les dires de] al-Hijji. Après s’être initialement refusé à tout commentaire, le Bureau a confirmé qu’il avait enquêté, mais sans rien trouver de particulier. Cependant, des agents ont refusé de répondre à certaines questions bien précises des journalistes à propos de cette enquête et des informations provenant de l’étude des allées et venues à Prestancia.
Le FBI a maintenu sa position lors d’un courrier daté du 7 février [2012] qui motivait son refus de se soumettre à une requête faite au nom de la loi sur la liberté de l’information (
Freedom of Information Act) sur les résultats de son enquête à Sarasota. La lettre de refus expliquait que «
leur diffusion constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée ».
«
À aucun moment de cette enquête sur les attentats, connue sous le nom d’ "enquête PENTTBOM", le FBI n’a débouché sur les preuves reliant l’adresse 4224 Escondito Circle, Sarasota, Floride, à l’un quelconque des pirates de l’air du 11/9, » a précisé le chef de la section des archives, David M. Hardy.
Pourtant, de nouveaux documents provenant du Département de la police de Floride indiquent qu’un informateur avait déclaré au FBI en 2004 qu’al-Hijji considérait Oussama Ben Laden comme un héros, et qu’il aurait connu certains des pirates de l’air. L’informateur,
Wissam Hammoud (ci-contre) a également dit qu’à un moment donné, al-Hijji lui avait présenté
Adnan El Shukrijumah (voir fiche ci-dessous), l’ex-étudiant que
Broward Bulldog [nom du site Web où est publié cet article – NdT] soupçonne d’être un agent opérationnel d’al-Qaïda, et qui figure sur la liste des personnes les plus recherchées (
Most Wanted) du FBI.
En 2003, le FBI avait demandé à l’avocat de Sarasota, Scott McKay, qui était en charge de la vente de la propriété, de convaincre le beau-père d’al-Hijji de revenir aux USA pour signer des documents. Le stratagème, destiné à ramener Ghazzawi devant les enquêteurs pour être interrogé, échoua, puisqu’au lieu de cela, Ghazzawi signa les documents de vente au consulat américain de Beyrouth.
L’agent du contreterrorisme expliqua que Ghazzawi et al-Hijji figuraient bien sur la liste de surveillance (
Watch List) du FBI. L’homme estimait que les agences de renseignement US impliquées dans la traque des financements du terrorisme s’intéressaient aux deux hommes avant même le 11-Septembre.
Le FBI a interrogé la femme d’al-Hijji, dénommée Anoud, et sa mère de nationalité américaine, Deborah Ghazzawi, lors d’un bref retour à Sarasota qu’elles firent en 2003. La femme nia tout lien avec les terroristes du 11/9 et expliqua que leurs billets (avec son mari) pour leur retour en 2001 vers l’Arabie Saoudite avaient été réservés longtemps à l’avance.
Al-Hijji a déclaré au
Daily Telegraph de Londres, lequel travaillait avec
Broward Bulldog, qu’il était retourné aux USA pendant deux mois en 2005 pour étudier à Houston, mais qu’il n’avait pas été interrogé par le FBI. Quand on lui demanda pourquoi les agents fédéraux avaient interrogé sa femme et sa belle-mère, il expliqua qu’il «
n’en avait aucune idée. »
GRAHAM DEMANDE DE L’AIDE
En septembre dernier, le porte-parole du FBI a également contesté l’affirmation de Graham selon laquelle le Congrès n’avait pas été mis au courant de l’enquête de Sarasota.
Cela poussa Graham à demander l’aide du FBI pour identifier les documents sur "l’affaire Sarasota" du
National Archives qui auraient prétendument été communiqués au Congrès. Et après deux mois – selon Graham – pendant lesquels le FBI «
refusa ou se montra incapable » d’aider à retrouver ces fameux documents, tout à coup le Bureau envoya deux pièces au Comité du Renseignement du Sénat, que Graham avait autrefois présidé et auquel il avait toujours accès. Et c’est dans ces documents que Graham a découvert des faits contredisant les dénégations du FBI.
Graham a alors communiqué ces informations à la Maison Blanche d’Obama, qui a répondu en organisant une réunion entre Graham et le directeur adjoint du FBI, Sean Joyce. Joyce a expliqué à Graham qu’il ne voulait pas parler de "l’affaire Sarasota". Mais par ailleurs, il a assuré Graham que lui seraient rapidement fournis des documents confirmant les dénégations du FBI, et une autre réunion fut planifiée avec un agent du FBI.
Graham raconte qu’en décembre dernier, cette réunion planifiée fut brusquement annulée, et on l’informa qu’il ne recevrait pas d’autres informations sur l’épisode Sarasota.
Les coprésidents de la Commission d’enquête sur le 11/9, Thomas Kean et Lee Hamilton
Graham explique que l’enquête conjointe n’avait pas été la seule autorité à ne pas être informée sur "l’affaire Sarasota". Il raconte que les deux coprésidents de la Commission sur le 11/9, le républicain Thomas Kean et le démocrate Lee Hamilton, lui avaient affirmé qu’ils n’étaient absolument pas au courant de cet épisode.
Kean, un ex-gouverneur du New Jersey, a affirmé à Graham que la Commission aurait «
étudié cela à fond », car l’hypothèse selon laquelle les pirates de l’air avaient mis au point seuls [les attentats] n’était pas vraisemblable.
Kean n’a pas répondu aux nombreux appels téléphoniques lui demandant de commenter ces faits. Mais Hamilton, l’ex-élu au Congrès pour l’Indiana, a confirmé ce mois-ci qu’il n’avait rien su de l’histoire de Sarasota alors qu’il partageait la présidence de la Commission sur le 11/9.
Graham estime que les informations qui émergent aujourd’hui lui rappellent de façon sinistre ses propres découvertes lors de son enquête en Californie. Il avait en effet appris que les deux premiers pirates à rejoindre le sol des États-Unis [en janvier 2000 – NdT], les Saoudiens Khalid al-Mihdhar et Nawaf al-Hazmi, avaient initialement reçu l’aide d’un diplomate travaillant au consulat saoudien à Los Angeles, et ensuite d’un autre Saoudien qui avait aidé al-Mihdhar et al-Hazmi à trouver un appartement. De nombreuses sources ont dit aux enquêteurs qu’ils étaient convaincus que le Saoudien en question était un agent du gouvernement saoudien.
Plus tard, lorsque la Commission sur le 11/9 put avoir un accès – même limité – à ces deux individus en Arabie Saoudite, la réaction de ces deux âmes charitables fut décapante. Un mémo qualifie le témoignage de l’un d’eux comme étant «
trompeur, inconsistant, invraisemblable ». Quant à l’autre témoignage, il afficha un «
manque total de crédibilité. »
DEUX PIRATES DE L’AIR DU 11/9 VIVAIENT AVEC UN INFORMATEUR DU FBI
Graham est troublé par ce qu’il interprète comme la volonté persistante de la direction du FBI de cacher des informations, y compris celle sur le fait qu’al-Mihdhar et al-Hazmi ont vécu pendant deux mois en Californie chez un informateur payé par le FBI. Même lorsque cette information devint publique, le FBI refusa à Graham l’accès à son informateur. Ce qui amène l’ex-sénateur à se demander si ce refus est simplement dû à l’embarras du FBI, ou bien si l’informateur en question sait quelque chose d’autre qui pourrait «
être encore plus dommageable si cela venait à être révélé. »
Les nouveaux documents du Département de la Police de Floride (FDLE) qui contiennent les informations troublantes d’Hammoud sur al-Hijji datant de 2004, ont renforcé les doutes de Graham, car ils sont en contradiction avec les déclarations publiques du FBI.
L’affirmation d’Hammoud selon laquelle al-Hijji lui aurait présenté Shukrijumah – qui n’est autre que le terroriste saoudien suspecté par le site
Broward - est cohérente avec les rapports provenant de l’étude des allées et venues à Prestancia indiquant que Shukrijumah a bien rendu rendu visite au domicile des al-Hijji – et conforte les soupçons officiels comme quoi il était lié aux pirates de l’air. Une note figurant dans le rapport de la Commission sur le 11/9 précise que lorsque Mohammed Atta s’était rendu en mai 2001 dans un bureau de l’immigration à Miami pour un problème de visa, il était accompagné par un homme ressemblant fortement à Shukrijumah.
Graham voit dans cette dissimulation de preuves pointant le soutien saoudien aux pirates de l’air du 11/9, la volonté de conserver, à l’époque et encore maintenant, les faveurs de l’Arabie Saoudite vis-à-vis de l’Occident.
Fin décembre dernier, les USA annonçaient un nouveau contrat de Défense de 30 milliards de dollars signé avec les Saoudiens.
«
Cet accord sert à renforcer les liens déjà solides entre les USA et l’Arabie Saoudite, » a déclaré l’assistant du secrétaire d’État pour les affaires politico-militaires, Andrew Shapiro. «
Cela démontre que l’engagement des USA pour de solides moyens de défense de l’Arabie Saoudite est un élément clé pour la sécurité de cette région. »
Graham s’avoue déconcerté par cette annonce.
«
Je pense que dans les jours qui ont immédiatement suivi le 11-Septembre, le FBI a reçu des instructions précises de la Maison Blanche de Bush pour ne rien révéler de potentiellement gênant pour les Saoudiens, » a-t-il déclaré. «
Mais ce qui est moins explicable, c’est la réticence de l’administration Obama à suivre la piste de l’implication des Saoudiens. Pour ces deux administrations, il y avait, et il continue d’y avoir l’obligation d’informer le peuple américain, à travers des informations dignes de foi. »
Dan Christensen est l’éditeur de
Broward Bulldog.
Anthony Summers est le coauteur de «
The Eleventh Day : The Full Story of 9/11 and Osama bin Laden », publié chez Ballantine Books.
Traduction
GV
Liens figurant dans l’article original : (en anglais)
1.
Graham asks Obama for answers on Saudi 9/11 role ; FBI denies Sarasota probe found ties to plot
2.
U.S. Rep. Castor calls for investigation of 9/11 Sarasota connection ; Graham prods White House
3.
FBI says again it found no ties between Sarasota Saudis and 9/11 hijackers ; won’t release details
4.
Bob Graham says FBI has not proved that it disclosed all it knew about 9/11 to Congress
5.
FBI informant says Sarasota Saudi praised bin Laden ; knew Broward Qaeda suspect
En lien avec cet article :
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A l’occasion du dixième anniversaire des attentats du 11-Septembre, Fabrizio Calvi a publié chez Fayard 11-Septembre, la contre-enquête. Il est aussi le réalisateur, avec Jean-Christophe Klotz, du documentaire Les routes de la terreur, diffusé en deux parties sur Arte le 31 août et le 7 septembre 2011.
Rompu aux enquêtes au long cours, spécialisé dans les affaires de criminalité organisée et les services secrets, Fabrizio Calvi mène depuis 1972 des activités d’écrivain, de journaliste et d’auteur de films. A l’actif de cet ancien de Libération (1973-1981) et du Matin de Paris (1983-1984), une dizaine d’ouvrages et une vingtaine de films. Parmi ses sujets d’investigation : les guerres de la mafia en Sicile, le rôle joué par la France dans un vaste trafic d’uranium en provenance de Namibie en violation d’une résolution de l’ONU, les trafics d’armes et de drogue dans les Balkans, les liens entre la mafia et le magnat de la presse italienne Silvio Berlusconi, les services secrets pendant la Seconde Guerre mondiale, le scandale du Crédit Lyonnais, l’affaire Elf, le terrorisme noir dans l’Europe de la guerre froide. De 2007 à 2010, il travaille à une vaste fresque sur le FBI. C’est alors que commence sa contre-enquête sur le 11-Septembre : trois ans à parcourir le monde, à la rencontre de plus de cent cinquante témoins directs. Son ambition : démonter l’engrenage implacable qui, dès 1979, mène aux attaques du 11 septembre 2001.
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